Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Alep se relève

Andrea Avveduto, en Syrie
31 janvier 2017
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable

Nous voici dans la deuxième ville de Syrie, au milieu des maisons et des routes détruites. La scène est douloureuse, mais elle laisse aussi miroiter des raisons d'espérer. La vie refleurit même sous les décombres.


Décombres. Maisons et routes détruites sur des kilomètres. C’est l’étape la plus douloureuse du voyage en Syrie, où l’émotion se contient avec plus d’effort.

Bienvenue à Alep ! Les panneaux indiquant l’entrée de l’ancienne capitale du Nord semblent presque être une plaisanterie. Les signes de la sanglante bataille qui, il y a quelques semaines, a réussi à expulser les forces rebelles, sont la cicatrice la plus flagrante dans cette grande ville. Mais même la guerre n’a pas réussi à détruire l’homme. Les visages des personnes sont redevenus souriants, les voitures ont recommencé à circuler. Certains commerces ont aussi repris de l’activité, et le soir, quelques lumières aux fenêtres illuminent les maisons des aleppins. Le traffic bloque de nouveau la ville, et les klaxons font rage comme dans toute ville arabe qui se respecte.

Il suffit cependant de tourner à l’angle,  pour se remplir les yeux de bâtiments éventrés par les missiles et les bombes ; d’enfants qui jouent avec les débris des maisons ; de personnes âgées qui fouillent dans les détritus pour trouver quelque chose à manger ; de soldats fatigués et affamés qui regardent d’un air désolé ce qui reste du « Paris du Moyen-Orient. » L’eau va et vient, tout comme l’électricité. Cela affecte le silence, étouffé, pendant qu’en tâtonnant, nous passons à travers les décombres des rues de quartiers. Qui sait combien de temps il faudra pour tout reconstruire… L’ampleur du travail pour soulager la douleur de ceux qui ont perdu femmes, enfants, maisons et proches.

Même les morts n’ont pas la paix dans cette guerre. Lorsque le curé de la paroisse latine Ibrahim Alsabagh nous emmène au cimetière, il nous montre les tombes de personnes entièrement à découvert. Il explique : « Nous n’avons eu aucun cas de profanation heureusement, mais beaucoup de voleurs sont venus dérober ce que les parents des défunts avaient mis à leurs proches au moment de l’enterrement. »

Dans ce cimetière détruit travaille Tarek, un jeune syrien qui est en train de repeindre la chapelle dévastée par les bombardements. Avec lui et l’ingénieur Toni, nous poursuivons à pieds pour visiter quelques maisons endommagées par les bombardements, et désormais réhabilitées grâce à un projet soutenu par l’Association pro Terra Sancta. L’objectif, ambitieux, est de permettre à 29 familles de retourner vivre dans leurs maisons « et de cette manière d’encourager aussi ceux qui ont fui le pays, à revenir. »

On travaille en continu dans la paroisse de Saint-François. Les puits d’eau potable sont toujours disponibles pour les personnes qui n’ont pas de moyens, et plusieurs bus partent chaque minute pour distribuer cette eau au-delà du quartier d’Azizieh. Le jeudi est dédié à la distribution de colis alimentaires. Au centre d’accueil, nous rencontrons Bashir, un garçon de cinq ans. Son père est disparu quelque part et sa mère ne travaille pas. Le seul espoir qu’elle et son fils ont de survivre, réside dans l’aide qu’ils reçoivent chaque semaine de la paroisse. Bashir est timide, mais sourit quand il nous voit. Comme lui, des centaines de personnes attendent leur tour dans le salon. A chacun est remis un bon pour acheter de la nourriture et les médicaments dont ils ont besoin. Mais d’abord, en un bref instant de silence, Ibrahim invite tout le monde à prier pour invoquer le don tant attendu de la paix en Syrie. Parce que le pain est important, mais il n’est pas tout.

A l’hôpital Saint-Louis nous rencontrons Giudy, 11 ans, avec sa mère. Giudy a été frappée par deux éclats d’obus qui ont atteint le cerveau. Elle ne sortira probablement pas du coma profond dans lequel elle est entrée. Elle ouvre et ferme les yeux. Sa mère, musulmane, regarde l’icône de la Vierge accrochée au mur. Et quand Ibrahim trace le signe de croix sur le front blanc de la jeune fille, elle se retourne, souriant à son enfant. Bienvenue à Alep, où l’espoir et la douleur sont intimement liés et difficilement dissociables, mais la vie est revenue. Finalement, après longtemps, trop longtemps.