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Israël: une route qui divise dans tous les sens du terme

Christophe Lafontaine
11 janvier 2019
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Israël: une route qui divise dans tous les sens du terme
Vue de la route 4370 avec un mur séparant le trafic israélien et palestinien, le 10 janvier 2019 © Yonatan Sindel / Flash90

Au nord-est de Jérusalem, la route 4370, ouverte cette semaine, sépare le trafic israélien et palestinien par un mur central de huit mètres de haut. Une première qui lui vaut le surnom de « route de l’apartheid ».


Le côté ouest pour la circulation palestinienne. Le côté est pour les véhicules israéliens. Après plus de dix ans de gel pour un différend de sécurité, Israël a finalement ouvert la route 4370 en Cisjordanie occupée, le 10 janvier 2019. S’étendant sur cinq kilomètres, elle a ceci de particulier qu’elle est divisée en deux, de tout son long, par un mur de béton surmonté d’une clôture métallique, d’une hauteur de huit mètres, rapporte Haaretz.

« Si les Israéliens et les Palestiniens partagent une bonne partie du réseau routier de Cisjordanie, rappelle l’AFP, il existe cependant un certain nombre de routes réservées aux Israéliens. » Mais aucune n’a de barrière physique hermétique séparant les deux communautés sur toute la longueur du trajet.

Concrètement la nouvelle route est divisée en quatre voies. Deux de chaque côté du mur. A l’est, deux voies relient – dans les deux sens – la colonie de Geva Binyamin (nord-est de Jérusalem), aux habitants des colonies de French Hillet de Pisgat Ze’ev. Les véhicules israéliens comme ceux des Palestiniens qui ont un permis d’entrée pour Jérusalem peuvent les emprunter. Cette route bidirectionnelle, inaugurée cette semaine, n’est pour le moment ouverte qu’aux heures de pointe. C’est-à-dire de 5h du matin à midi. De l’autre côté du mur, la route est aussi à double sens. Ouverte il y a deux semaines, elle contourne l’est et le sud de Jérusalem, sans accès à la ville. Seuls les Palestiniens (qui n’ont pas de permis pour entrer dans la ville sainte) peuvent rouler dessus.

Désengorgement, sécurité et discrimination

Les responsables israéliens estiment que « la route va désengorger les accès régulièrement encombrés à Jérusalem pour les colons qui vivent en Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis plus de 50 ans », rapporte l’AFP. Notamment au poste de contrôle de Hizma (village palestinien), à l’entrée nord de Jérusalem. La plupart venant chaque jour dans la ville pour leur travail, leurs études ou leurs loisirs. La chaîne de télévision israélienne i24News ajoute que la 4370 doit également faciliter les déplacements des Palestiniens entre les deux principales villes de Cisjordanie, Bethléem et Ramallah.

C’est sous ce double prisme que le ministre israélien de la Sécurité intérieure Gilad Erdan qui a participé à l’inauguration de la route la considère comme « l’exemple qu’on peut créer une vie partagée entre Israéliens et Palestiniens tout en répondant aux défis sécuritaires existants. »

Les opposants à cette nouvelle route ne voient pas la route de la même manière, la qualifiant de « route de l’apartheid ». Comme l’a titré Haaretz dans son édition du 10 janvier mettant en avant la séparation entre les colons juifs et les Palestiniens.

« Tout Israélien qui croit en la démocratie devrait avoir honte de cette nouvelle route », a de son côté affirmé Ahmad Majdalani, membre du Comité exécutif de l’OLP (Organisation pour la Libération de la Palestine) au Times of Israel. Comparant la situation à celle de l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid.

Le quotidien israélien, cite également Mohammad Hamdan le porte-parole du ministère des Transports de l’Autorité palestinienne qui a déclaré dans les colonnes du journal en ligne que « toutes les routes dans l’Etat de Palestine [sic] devraient être accessibles aux Palestiniens. » Et d’ajouter que « cette nouvelle route est absolument inacceptable et incarne une discrimination flagrante contre le peuple palestinien. »

« La route 4370 participe à la politique israélienne cherchant à incorporer les colonies dans un « Grand Jérusalem » », a soutenu le chercheur Aviv Tatarsky de l’ONG israélienne anti-colonisation Ir Amin (la ville des peuples en hébreu) qui milite pour l’égalité entre tous les habitants de Jérusalem et dont les propos ont été rapportés par l’AFP.

Un pas vers le « Grand Jérusalem » ?

De fait, le ministre israélien des Transports, Yisrael Katz n’a pas caché cette intention en déclarant que la route était « une étape importante pour relier les habitants du Conseil Binyamin (ndlr : dont dépend la colonie Geva Binyamin) à Jérusalem et pour renforcer la métropole de Jérusalem. » Des propos confirmés par le maire de Jérusalem, Moshe Lion, présent aussi à la cérémonie d’inauguration : « Outre les problèmes de congestion routière que nous résolvons aujourd’hui, nous renforçons également Binyamin et inaugurons le lien naturel et souhaité entre la région de Binyamin et Jérusalem. »

Les détracteurs de la route craignent alors qu’Israël procède désormais à la construction de colonies dans une zone située à l’est de Jérusalem, appelée E1 et qui s’intègrerait au projet du « Grand Jérusalem ». Un projet actuellement retardé pour manque de « préparation diplomatique » depuis octobre 2017. Il s’agirait d’englober les trois « blocs » de colonies qui entourent Jérusalem, au nord, à l’est et au sud, et de constituer ainsi une immense métropole depuis les faubourgs de Ramallah, au nord, jusqu’au sud de Bethléem, au sud, jusqu’aux portes de Jéricho à l’est, coupant la Cisjordanie en deux et isolant la partie orientale de Jérusalem, revendiquée par les Palestiniens comme la future capitale de l’Etat auquel ils aspirent.

La communauté internationale considère comme illégales les colonies israéliennes en Cisjordanie voyant aussi en elles un obstacle à la paix.

 

 

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