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Jérusalem: les Eglises, vent debout contre les taxes

Christophe Lafontaine
15 février 2018
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Jérusalem: les Eglises, vent debout contre les taxes
Le maire de Jérusalem a décidé de percevoir des impôts fonciers municipaux sur les biens exploités par les Eglises dans la ville, comme leurs hôtels, restaurants ou boutiques de souvenirs. ©Yoavd / Wikimedia Commons

Dans une déclaration commune du 14 février 2018, les 13 Eglises officielles de Jérusalem contestent la décision de la municipalité d’imposer des taxes sur les biens ecclésiastiques. Au nom du statu quo.


Pour la municipalité de Jérusalem, la bataille fiscale est déclarée : les Eglises de Jérusalem doivent payer des taxes municipales (connues sous le nom d’arnona) sur les propriétés qui leur appartiennent et qu’elles exploitent. Exception faite des lieux de culte et de prière. « Nous sommes fermes et unis dans notre position pour défendre notre présence et nos propriétés », ont rétorqué dans une déclaration commune le 14 février, publiée sur le site du patriarcat latin de Jérusalem, les 13 Patriarches et Chefs des principales Eglises chrétiennes à Jérusalem. A noter qu’il s’agit de la quatrième réaction commune des leaders chrétiens en moins d’un an.

Tous les signataires, de l’Administrateur apostolique du patriarcat latin Pierbattista Pizzaballa au Custode de Terre Sainte, le Fr. Francesco Patton, en passant par le patriarche grec-orthodoxe, Theophilos III et le patriarche orthodoxe apostolique arménien, Nourhan Manougian, estiment la décision « contraire à la position historique » nouée « entre les Eglises de  la ville sainte de Jérusalem et les autorités civiles au cours des siècles ». Et ils en appellent à la mémoire collective : « les autorités civiles – peut-on lire – ont toujours reconnu et respecté l’importante contribution des églises chrétiennes qui investissent des milliards, dans la construction d’écoles, d’hôpitaux et de maisons, et ce particulièrement pour les personnes âgées et défavorisées, en Terre Sainte. »

A ce titre, avec fermeté, les dignitaires religieux ont à nouveau martelé « qu’une telle mesure sape à la fois le caractère sacré de Jérusalem et met en péril la capacité de l’Eglise à mener son ministère sur cette terre au nom de ses communautés et de l’Eglise présente dans le monde entier. » En septembre dernier, les patriarches et chefs des Eglises chrétiennes de Jérusalem avaient déjà accusé, non pas la municipalité de Jérusalem mais l’Etat d’Israël de vouloir « affaiblir la présence chrétienne en Terre sainte ». Reprochant à l’Etat hébreu de chercher à limiter les droits des Eglises sur leurs propriétés. Dans leur déclaration du 14 février, les chefs des Eglises chrétiennes de Jérusalem ont expressément demandé aux hommes politiques et administrateurs israéliens de la ville, le maire de Jérusalem, Nir Barkat, en tête, de revenir sur leur décision et « de veiller à ce que le statu quo – sanctionné par l’histoire sacrée soit maintenu. » Ils ont aussi appelé à ne pas violer le caractère de la ville sainte de Jérusalem.

Boycott

Selon la presse israélienne, les chefs des principales Eglises de Jérusalem prévoiraient de boycotter leur réunion annuelle traditionnelle dite du « Nouvel An » – initialement prévue le 15 février – avec le maire et les hauts fonctionnaires municipaux pour protester contre les mesures fiscales prises par la mairie. Ce qui représenterait une facture de 650 millions de shekels (200 millions de dollars). Face à cette levée de boucliers, la ville, de son côté, tient le discours qu’elle ne peut pas accepter une situation dans laquelle des hôtels, des salles de restaurants, les boutiques de souvenirs et autres activités commerciales liées à l’accueil des pèlerins et des touristes soient exemptées d’arnona (taxe municipale) sous prétexte d’un accord entre les Eglises et l’Etat d’Israël.

Car, pendant des années, l’Etat hébreu a empêché la municipalité de percevoir l’impôt foncier sur les biens des Eglises au nom des exonérations fiscales historiques dont elles bénéficiaient au moment de la naissance de l’Etat d’Israël et que l’Etat hébreu avait garanties.

A ce titre, en ce qui concerne l’Eglise catholique, à la suite de « l’Accord fondamental de 1993 », le Saint-Siège et Israël planchent depuis une vingtaine d’années sur la signature d’un document final devant traiter de la question des propriétés ecclésiastiques, des exonérations fiscales sur le revenu des activités commerciales des communautés chrétiennes. En bref, du statut juridico-financier de l’Eglise catholique à Jérusalem et en Terre Sainte. Pour mettre fin à une incertitude et une insécurité juridique et fiscale. Pour l’heure, on attend toujours…