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Deux ONG catholiques contre le gel des aides à l’UNRWA

Christophe Lafontaine
31 janvier 2018
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Deux ONG catholiques contre le gel des aides à l’UNRWA
Ecole de l'UNRWA à Rafah dans la bande de Gaza en 2009. © ISM Palestine

Le 24 janvier 2018, 21 ONG d'aide humanitaire dont Catholic Relief Services et Jesuit Refugee Services ont écrit à l'administration américaine l’engageant à rétablir les fonds pour les réfugiés palestiniens (UNRWA).


Quelques semaines après avoir reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël, le président américain a annoncé le gel de 65 millions de dollars sur les 125 millions destinés à l’UNRWA (l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés palestiniens). Sont ainsi concernés quelque cinq millions de réfugiés palestiniens qui vivent dans plusieurs pays du Moyen-Orient, la plupart dans un état de précarité qui n’est plus à prouver.

«  Nous sommes profondément préoccupés par les conséquences humanitaires de cette décision sur l’assistance vitale aux enfants, femmes et hommes en Jordanie, au Liban, en Syrie et en Cisjordanie et dans la bande de Gaza », se sont insurgés dans une lettre commune, datée du 24 janvier, pas moins de 21 leaders de premier rang issus du monde humanitaire, comme l’a annoncé le New York Times, en fin de semaine dernière. La lettre a été adressée aux plus hauts membres de l’administration Trump, dont le secrétaire d’Etat Rex Tillerson, le secrétaire à la Défense Jim Mattis, l’ambassadrice américaine aux Nations unies Nikki Haley, et le conseiller à la sécurité nationale de Trump, le lieutenant-général HR McMaster.

Conséquences désastreuses

« Qu’il s’agisse de l’aide alimentaire d’urgence, de l’accès aux soins de santé primaires, de l’accès à l’éducation primaire, ou tout autre soutien essentiel aux populations vulnérables, il ne fait aucun doute que ces réductions, si elles sont maintenues, auront des conséquences désastreuses. », poursuit le courrier des groupes d’aide humanitaire.

Parmi les signataires, on retrouve aux côtés de Save the Children, Oxfam America, Care USA, Refugees International, Islamic Relief US, Church World Service, deux grandes ONG catholiques  : Catholic Relief Services (CRS), association humanitaire de l’Eglise catholique aux Etats-Unis et Jesuit Refugee Services / USA, organisation catholique internationale d’inspiration jésuite, comme son nom l’indique, qui a pour mission d’accompagner, servir et défendre les droits des réfugiés et personnes déplacées.

Dans leur lettre, les ONG expriment leur grande préoccupation. « Nous sommes particulièrement alarmés que cette décision, ayant un impact réel sur l’aide humanitaire aux civils, ne soit pas basée sur une évaluation des besoins, mais vise plutôt à punir les dirigeants politiques palestiniens et à les pousser à faire des concessions politiques », déclarent-elles. Selon la chaîne de télévision israélienne i24 news, le département d’Etat américain a démenti que la coupure de fonds ait pour but de sanctionner l’Autorité palestinienne, ajoutant que cela était lié à la « réforme » de l’UNRWA. Le président américain Donald Trump a cependant affirmé la semaine passée que des centaines de millions de dollars d’aide américaine seraient en suspens tant que les dirigeants palestiniens refusaient aux Américains le rôle de médiateurs dans d’éventuelles négociations de paix avec les Israéliens.

En conclusion, la lettre des 21 ONG exhorte tout bonnement l’administration Trump à « reconsidérer cette décision malheureuse, qui, selon [elles], sape les valeurs d’une importance cruciale ainsi que le leadership américain dans le monde ».

Répondre à l’appel du pape

Les deux ONG catholiques n’ont pas hésité à signer le courrier adressé à l’administration Trump. Giulia McPherson, directrice exécutive par intérim de Jesuit Refugee Services / USA, a d’ailleurs déclaré à la Catholic News Agency (CNA) qu’ « en tant que partenaires de l’Onu qui servons également les réfugiés palestiniens grâce à certains de nos programmes, nous nous sommes sentis dans le devoir de nous joindre à cette initiative. » De son côté Bill O’Keefe, vice-président des relations gouvernementales et du plaidoyer chez Catholic Relief Services a dit que l’ONG était « gravement préoccupée par l’impact humanitaire que ces coupes auront sur la population que l’UNRWA sert, et que CRS ne croit pas que les conditions politiques doivent s’appliquer à cette aide ». Catholic Relief Services a par ailleurs confié à l’agence de presse américaine catholique qu’elle continuerait à aider la population de Gaza, en réponse à l’appel du Saint-Père, le jour de Noël 2017 : « Nous voyons Jésus dans les enfants du Moyen-Orient qui continuent à souffrir à cause des tensions croissantes entre Israéliens et Palestiniens ».

Pour sa part, dans The Catholic Register, Mgr Oscar Cantu, Président de la Commission Internationale de Justice et Paix de la Conférence des évêques des Etats-Unis, a déclaré que couper l’aide à l’aide aux réfugiés serait inhumain.

Contre la politisation de l’aide humanitaire

Financée par des contributions volontaires des Etats membres de l’Onu, l’UNRWA est notamment un acteur primordial dans la bande de Gaza, où, selon l’Onu, plus des deux tiers des deux millions d’habitants de l’enclave palestinienne dépendent du soutien de cette agence onusienne et d’autres ONG caritatives. De fait, l’UNRWA est le deuxième plus gros employeur des Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza après les autorités palestiniennes. L’organe unisien a annoncé déjà commencer à ressentir l’impact avec la suppression de dizaines de postes d’enseignants à Jérusalem-Est et de travailleurs dans des camps de réfugiés, selon le quotidien israélien Haaretz.

Des milliers d’employés de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens– enseignants, professionnels de la santé – ont protesté lundi 29 janvier dans la bande de Gaza contre la décision américaine de geler les aides, ont constaté des journalistes de l’AFP.

« En vous rassemblant en nombre aussi considérable et en manifestant pacifiquement, vous adressez au monde un message retentissant », a dit à la foule le directeur de l’UNRWA à Gaza, Matthias Schmale. Il a mis en garde contre toute politisation de l’aide humanitaire. « Vous, les Etats-Unis, êtes notre principal partenaire depuis des décennies, vous nous avez aidés à établir l’une des organisations les plus performantes au monde, et l’une des plus tournées vers l’obtention de résultats », a-t-il déclaré.

Appel d’urgence

Le 30 janvier, à Genève, le Commissaire général de l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a lancé un appel d’urgence de 800 millions de dollars pour subvenir aux besoins des Palestiniens enregistrés comme réfugiés dans les Territoires palestiniens, en Jordanie, au Liban ou en Syrie. Pierre Krähenbühl a alors indiqué que la moitié des fonds demandés est prévue pour aider les Palestiniens dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, l’autre moitié étant destinée aux  réfugiés palestiniens en Syrie.  De fait, « les Palestiniens sont parmi les plus touchés par le conflit [syrien] », a déclaré le porte-parole de l’UNRWA Chris Gunness, expliquant que 95% des 438 000 Palestiniens dans le pays déchiré par la guerre « ont un besoin crucial d’une assistance humanitaire soutenue ». Près de 58% des Palestiniens en Syrie sont déplacés à l’intérieur du pays, avec plus de 56 600 d’entre eux bloqués dans des régions difficiles d’accès ou inaccessibles dans ce pays ravagé par la guerre, a-t-il ajouté.